Charles James : Inaltera, le papier peint le plus rapide. Partie 1

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Charles James est un homme qui doit son destin lié à des rencontres. Tout d’abord ingénieur aéronautique au centre d’essai de Brétigny-sur-Orge, puis chez Potez aéronautique. Son destin bascule des suites à une décompression explosive de la verrière Fouga Magister. De ces derniers événements, il en perd ses licences de pilote. Il part pour les Etats-Unis pour une reconversion dans le management. À son retour en France, il crée une société de moyens d’essai aéronautique en laboratoire. Vient à lui une proposition de réaliser des redressements d’entreprises. Et l’entreprise qui nous intéresse ici précisément, c‘est Inaltera ! En 1975, Charles James fera par hasard sa première rencontre fondatrice de cette formidable aventure. Après avoir quitté une entreprise qu’il avait créé pour le groupe Général Electric spécialisé dans la fabrication de plastique technique. L’un de ces anciens ingénieurs lui propose une publicité pour une petite voiture de course, une association (ATAC) qui vient de se créer au Mans et qui envisagerait de construire une voiture capable de disputer les 24 Heures du Mans.

 

 

« Je rencontre Jean Rondeau en octobre 1975,il est entouré de deux personnes. Il est entouré de Vic Elford et d’un autre garçon, qui lui aussi rêve de construire une voiture, c’est un bénévole en la personne de Michel Beaumesnil. Ces trois là, me font bonne impression. Et je pense depuis quelques temps déjà que pour lancer le redressement d’Inaltera, j‘ai besoin de créer une grande notoriété dans le public, autour du nom Inaltera. Et je cherche à créer un événement que la grande presse d’information pourrait se saisir pour informer le public. Et je dis à Jean Rondeau : votre voiture ne me plaît pas du tout, elle est trop petite, aucune chance d’être visible. Mais par contre, je crois que l’on peut en construire une qui soit beaucoup plus importante, beaucoup plus puissante et qui puisse être vue et dans ce cas là, si ça vous intéresse, je vous engage ! J’ai donc engagé Jean Rondeau comme directeur technique et Vic Elford comme directeur sportif. J’avais comme conviction que mon passé d’ingénieur pouvait me permettre de gérer cette situation.« 

 

 

 

L’écurie s’installe Rue Hoche à Champagné, fin octobre 1975 et dès le 7 novembre les premiers tubes du premier châssis sont au marbre en train d’y être assemblés. 

 

Les suspensions ne sont qu’à l’état d’étude. Le châssis est achevé vers le 5 décembre. Entre temps, le master de la carrosserie a été achevé et le premier moule a été réalisé chez GMT le 4 décembre 75. 

 

La construction de l’Inaltera n’en est qu’à son début, mais l’imposant V8 Atmosphérique Cosworth est un monstre et engendre des vibrations destructives. Autour du moteur Cosworth, c’est un châssis spaceframe tubulaire en acier, renforcé par endroits par des sections de boîtes caissons en aluminium. La suspension a été très conventionnelle par double wishbone (double triangulation) sur les deux extrémités. Les disques avant ventilés Lockheed ont été limités en taille par la réglementation GTP, qui dictait une taille maximale de roue de seulement 13 pouces. La prochaine citation de Charles James en dit long sur le travail accompli. 

 

 

 

 

 » Le moteur vibrait tellement, qu’aucun accessoire autour du Cosworth, le démarreur, les pompes, les raccords, les fixations. Rien ne résistait aux vibrations du V8 Cosworth. Nous avons mesuré l’endroit et l’intensité des nœuds vibratoires que l’on a déplacé ou annulé en renforçant les fixations, en déplaçant des accessoires. C’était un travail d’ingénierie de laboratoire.«  Le passé d’ingénieur de Charles sera d’une précieuse aide et y installera des capteurs piézo-électrique (lors des différentes séances de roulage du mulet afin de mesurer et de remédier à ces phénomènes vibratoires.

 

 

 

 

La construction de ces trois voitures. Deux pour la course et plus un mulet, n’est pas un frein réel pour Charles et son passé l’amène à nouveau à appliquer son expérience. « C’est un défi industriel, mes expériences précédentes de ma vie m’avais apprise à gérer des projets dans le cadre strict de délais et de budgets. Il y a des méthodes pour cela et je les ai appliquées à ce moment là, comme je les avais appliquées avant et comme je l’ai fait après.« 

 

 

À l’énonciation du nom de Vic Elford et  concernant son implication dans le projet, l’homme ne tarit pas l’éloge à son sujet. « Vic est un garçon d’une très grande qualité, aussi bien au niveau des relations humaines, que par sa sympathie, qui communique très bien avec tout le monde et il a mis sa grande expérience des 24 Heures du Mans et du sport automobile au service de l’écurie. Avec cette gentillesse, son intelligence et cette patience que les gens le connaissant, lui reconnaissent. » 

 

 

 

 

1976, deux Inaltera sont engagées dans la nouvelle catégorie GTP qui vient d’être créée par l’ACO. Le casting de pilotes est à la hauteur de l’événement. Et tout cela grâce à la personne de Monsieur Charles James.

 

 » Dès le début, pour que mon projet soit pris au sérieux, il était indispensable que les pilotes soient des pilotes connus, reconnus et de grande notoriété. Le premier qui a accepté ma proposition a été Henri Pescarolo. Henri est lui aussi un garçon d’une très grande qualité moral et qui bénéficie d’une très grande réputation, d’une grande popularité. Le fait que Henri accepte, a commencé à donner une très grande crédibilité à ce projet. Et il me fallait un deuxième pilote, Jean-Pierre Beltoise avait espéré un volant en Formule 1 sur une Ligier (la Ligier JS 5 pour laquelle il avait apporté le budget Gitanes). Il ne l’a pas eu, il en était très déçu. Il a décidé de raccrocher. Il souhaitait quitter la course automobile. Et je l’ai convaincu de ne pas arrêter maintenant. Je lui ai dit que j’avais un volant pour lui. Le fait de pouvoir lui dire que Henri Pescarolo avait accepté, a emporté son adhésion. De là, j’ai eu un équipage vedette, connu du monde entier et qui donnait une réelle crédibilité à mon projet. » 

 

 

 

 

Les résultats de cette première participation aux 24 Heures du Mans sont une réussite puisque les deux voitures terminent l’épreuve avec à la clé une victoire en catégorie GTP (8e du général) de l’équipage Pescarolo/Beltoise et un troisième place de la même catégorie pour le trio Beckers/Jaussaud/Rondeau. Christine rejoint l’aventure grâce à sa relation avec Vic Elford.

 

 

 

 

« Deux voitures engagées, deux voitures à l’arrivée. Une première dans l’histoire des 24 Heures du Mans ou aucun constructeur n’avait réussi à terminer la course lors de sa première participation. »  Une très grande fierté de la part de l’intéressé, mais ce n’est pas sa seule motivation et n’en est pas moins éloignée de sa mission première.  » La victoire en GTP n’était pas ma finalité de l’époque. Mon but était de faire face à ma responsabilité professionnelle. Et donc d’obtenir la notoriété auprès du grand public pour la marque de papier peint Inaltera. Ca, c’était la victoire que je recherchais et à laquelle j’étais contraint. Je ne jouais pas avec mon argent personnel. J’étais dirigeant d’une entreprise que l’on m’avait confié pour la redresser. Il se trouve que l’objectif était tellement bien rempli qu’il était naturel de continuer une deuxième année. L’édition suivante, on gagne encore la catégorie GTP avec une belle quatrième position au général. » 

 

 

 

 

A la fin d’année 1977, s’achève l’aventure Inaltera après deux éditions réussies et la tâche première est réussie. La notoriété souhaitée et le redressement de l’entreprise sont missions accomplies. « J’ai terminé ma mission chez Inaltera. Les actionnaires sont satisfaits, ils sont Belges. Le capital est transféré vers de nouveaux actionnaires, la société est sauvée et comme prévu, je quitte cette entreprise pour une autre. À ce moment la, on me propose le redressement de la compagnie Eralt Aviation.«   À suivre….

 

 

Crédit photos: Louis Monnier, Loïc Le Clainche, Yves Ronga, Jean-Luc Chétif, Claude Parpex via Jean-Pierre Fabre.

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