Nous y sommes ! La saison WEC 2021 a bien démarré avec le Prologue du WEC et les 6h de SPA Francorchamps. Les Toyota Hypercar y ont fait leurs débuts en compétitions, accompagnées en catégorie reine par l’Alpine A450 – ex Rebellion LMP1. Pour ce rendez-vous de Portimaõ, c’est désormais au tour de Glyckenhaus de faire ses premiers tours de roues en WEC !
Pour les puristes, l’ère des Le Mans Hypercar (LMh) commence réellement avec ce duel tant attendu entre les deux modèles conçus pour cette nouvelle génération de prototypes : la Toyota GR010 et la Glyckenhaus SCG007.
Que doit-on attendre de cette course ?
Comme souvent en sport auto, une course se définit d’abord par la précédente … Si le prologue a laissé planer quelques doutes quant aux performances des Hypercar, les qualifications du vendredi, et surtout la course, ont permis de clarifier les choses, chacun retrouvant une place logique dans la hiérarchie globale.
Toyota et Alpine nous ont offert un joli duel à distance, avec une stratégie décalée pour l’Alpine et une part de suspense conservée jusqu’au bout, un petit doute quant à un dernier arrêt « éclair » de la Toyota de tête subsistant jusqu’à quelques minutes de la fin (qui n’aura finalement pas eu lieu).
Quels enseignements tirer de ce premier rendez-vous ?
Si les Hypercar se sont montrées logiquement les plus rapides en piste lors de la course, une analyse un peu plus fine des temps secteur par secteur en qualifications laisse apparaitre une donnée très intéressante : les Hypercar font la différence sur les secteurs 1 et 3, les plus rapides (pour rappel, le secteur 1 à SPA va de la ligne de départ jusqu’au freinage des Combes, et le secteur 3 va du virage Stavelot à l’arrivée). Cela ne laisse aucun doute sur la domination des Hypercar pour les 24h du Mans, du moins pour ce qui est de la performance pure.
Par contre, sur le secteur 2, bien plus sinueux, les LMh se placent 5, 9 et 11e, au milieu des LMP2. Pour le meeting de Portimaõ, sur un circuit plus sinueux qui offre beaucoup moins de zones en pleine charge, on peut légitimement imaginer des LMP2 beaucoup plus proches des LMh en performances, avec en ligne de mire une remise en question de la hiérarchie !
Certains observateurs ont pensé voir Toyota cacher son jeu à SPA (pour éviter de subir une BoP défavorable pour les 24h du Mans ?). Si les LMP2 sont effectivement trop proches voir plus rapides pour cette deuxième course de l’histoire de l’Hypercar, ils n’auront d’autre choix que de sortir du bois et montrer les réelles capacités de leur machine … Si toutefois ils ont réellement caché leur jeu ! D’autant que Glyckenhaus sera présent avec, espérons-le, une grosse concurrence à offrir aux Toyota.
Sur ce secteur 2 en particulier, on pouvait également observer les meilleurs LM GTE Pro concurrencer et même dépasser les moins rapides des LMP2 (en particulier lorsqu’un pilote amateur était au volant – Esteban Garcia a d’ailleurs vécu plusieurs sueurs froides dans ses duels lors du premier quart d’heure de course…)
En LMP2, la #22 de United Autosport s’est payée le luxe de dépasser au moins une Hypercar lors de chaque séance d’essais (libres ou qualificatifs), c’est dire le potentiel de la voiture par rapport à la catégorie reine ! Un instant en tête en réaccélérant en sortie du premier virage, Phil Hanson n’a pas réalisé qu’un événement anecdotique, puisque normalement, l’accélération des Hypercar hybrides est un point fort comparé aux LMP2. Nous l’avons vu plus tard lors des relances suite aux Full Course Yellow, c’était loin d’être évident à gérer pour les Toyota et l’Alpine, avec de gros patinages et l’impression que « ça part dans tous les sens », et ce malgré une baisse importante de puissance par rapport aux LMP1. Si ce problème n’est pas corrigé, on pourrait voir quelques figures libres si la piste devient humide …
La catégorie LMP2 nous a également – comme d’habitude – montré de belles bagarres en piste, avec régulièrement des regroupements de 3 ou 4 prototypes qui se battent roues dans roues, parfois proche de la limite, comme l’ont montré JP Montoya et R. Rusinov lors de leur passe d’armes très virile, qui a failli très mal finir pour Ben Keating dans son Aston Martin, victime collatérale de ce duel, éjecté dans le sable.
La proximité des performances LMh/LMP2 nous a valu quelques autres situations chaudes mais heureusement maitrisées, entre Da Costa et Hartley par exemple, dans la descente vers l’Eau Rouge (après 2h20 de course), ou lorsque Kabayashi, coincé entre 3 LMP2, a envoyé la #22, future vainqueur de sa catégorie, dans l’herbe à près de 300km/h dans la ligne droite de Kemmel (à environ 1h de l’arrivée). A noter que sur cette manœuvre, Kabayashi aurait pu / dû perdre sa 3ème place au bénéfice de la #22 de United Autosport.
Tout cela promet des courses palpitantes pour la suite de la saison, d’autant que désormais, Glyckenhaus sera de la partie !
En GTE enfin, les équipages de la catégorie Pro ont logiquement dominé les équipages Am, avec, comme indiqué plus haut, des temps au tour assez rapides pour venir chatouiller des LMP2.
Des différences moins marquées entre les catégories
Nous le savions avant le départ, l’entrée en piste des Hypercar, conçues pour être proche des LMP2 2020 en termes de performances, a entrainé une baisse de puissance des LMP2 pour cette saison, un kit aérodynamique « low downforce » imposé, et des pneus plus durs que les LMh. Tout cela pour réduire leurs performances et placer les Hypercar en haut de la hiérarchie. Les GTE, à l’inverse, ont vu leur règlement rester stable, et donc en toute logique, les ingénieurs ont su développer leurs bolides pour gagner encore quelques dixièmes.
Nous avons donc un resserrement des performances, qui n’est certes pas suffisant pour remettre en cause la hiérarchie entre chaque catégorie (nous en reparlerons peut-être après Portimaõ), mais qui permet par exemple à la meilleure LMP2 de prendre une belle 3è place sur la grille, devant l’Alpine Hypercar, ou encore aux GTE Pro de venir chercher en course des LMP2, en particulier aux mains de pilotes amateurs.
Ces derniers, moins véloces que les pilotes professionnels, et sans doute plus pénalisés qu’eux par la pandémie qui sévit dans le monde et qui a provoqué un allongement de la trêve hivernale, ont parfois montré des faiblesses au volant, frisant la correctionnelle.
Quelles conséquences pour la gestion du trafic ?
Avec une bonne douzaine d’événements importants à signaler à SPA, il est clair que le trafic peut jouer un rôle décisif sur le résultat final d’une course. Un dépassement trop optimiste, un concurrent qui n’a pas bien observé ses rétros, ou une séquence de trafic à gérer en même temps qu’une lutte pour sa position, ces situations périlleuses ont déjà eu lieu par le passé. Mais avec le resserrement des performances de cette année, les fenêtres de dépassement se réduisent.
Gérer le trafic, c’est une question d’anticipation. Anticiper son pilotage d’une part, anticiper le moment où « temporiser » pour aller chercher le bon endroit où doubler. Il faut réussir à trouver l’ouverture rapidement, pour passer le plus vite possible sans perdre de temps, mais sans trop se précipiter non plus, car le pilote à doubler peut parfois être un amateur ! Et il ne s’agit pas de risquer de tout perdre en s’attaquant au mauvais moment, à un pilote qui n’a pas l’expérience ni les réflexes d’un pilote professionnel.
Il faut donc d’autre part anticiper les actions et réactions de l’autre pilote. Le pilote doit avoir une bonne capacité à savoir ce qui se passera devant, pour s’adapter au mieux. Cela fait généralement partie du travail effectué en essais libres, mais ce n’est jamais suffisant avant la course …
Si Monza et Le Mans sont des pistes très rapides qui permettront à chaque catégorie de marquer des différences entre elles, et donc logiquement de fluidifier davantage le trafic, Portimaõ sera peut être le théâtre d’une remise en question de la « hiérarchie réglementaire », et offrira certainement des séquences de trafic délicates à gérer, desquelles il faudra sortir sans perdre trop de temps … Mais surtout sortir entier !
Crédit photo: FIA WEC/Marius Hecker et Gabi Tomescu /AdrenalMedia.com, Scuderia Cameron Glickenhaus