Romain Dumas : L’aventure Glickenhaus, la BOP, bilan de 2021

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Romain Dumas, tout juste de retour de son périple mexicain où il y disputait la Baja 1000, une grande première pour le Gardois qui semble surpris par ce qu’il a découvert en Amérique du Sud.  Darren Skilton et Viry Felix étaient ses coéquipiers sur l’épreuve de 1000 miles, une 127e place finale en un peu plus de 38 heures et 26 minutes. « C’est une épreuve que je disputais pour la première fois, c’est à faire et à voir. À l’extrême de tout. Complètement différente du Dakar. Ça mérite d’être fait et je suis satisfait d’y avoir participé. Nous étions trois à nous relayer, 1800 km sur routes ouvertes. Tu croises des gens nuit et jour qui font la fête, si bien que lors du troisième jour ils sont complètement rôtis ! (Rire) C’est assez surprenant ! Le résultat est anecdotique, on à cassé trois cardans, ce n’était pas la voiture pour gagner, mais une très bonne aventure ! »

 

L’occasion de revenir également sur la saison WEC 2021 de Romain au sein de la Scuderia Glickenhaus. Avec une toute nouvelle voiture, la SCG 007 a donné satisfaction, et a même surpris beaucoup de monde en effectuant une très belle prestation avec comme point d’orgue, les deux voitures à l’arrivée des 24 Heures du Mans. « C’est assez surprenant, Podium Advanced Technologies qui est en Italie, c’est un groupe de jeunes ingénieurs, la structure grossit tellement vite que c’est l’une des entreprises en Italie qui à eu la plus grande croissance en termes d’effectif et de résultats financiers pour 2020. Il y a un an et demi, ils étaient cinq pour maintenant plus de soixante-dix personnes. Ces gars là, à part une poignée, ne connaissaient rien au sport automobile. La deuxième fois que je m’y suis rendu, on s’est assis autour d’une table et on a parlé de tout ce qui concerne la voiture, de la gourde, la position de conduite, l’aéro…. ils ont pris des notes pour arriver jusqu’à ce résultat. »

 

 

Le chemin pour en arriver là, et à ce résultat a été long. Concernant Romain, le début de l’aventure remonte aux 24 Heures du Nürburgring 2018, lors de la démonstration de l’ID.R avant la course, et la prise de contact ce jour-ci avec Jim Glickenhaus. « J’aimais bien leur attitude, je n’y suis pas allé en me disant que c’est sûr que cette voiture-là allait marcher et que l’on gagnerait tout de suite ! Ce qui m’a plu, c’est David contre Goliath ! Les choses auraient été différentes si j’avais eu 25 ans et que c’était pour mon premier Le Mans. Entre avoir une chance de gagner Le Mans et monter dans la 007, c’était quand même très risqué. »

 

En cette saison 2021, tout le monde est sur un pied d’égalité en découvrant la catégorie Hypercar. Ce n’est pas un avantage non plus pour l’écurie Glickenhaus qui part d’une totale feuille blanche dans la discipline. « Tout le monde a été agréablement surpris. Moi aussi et dès les premiers tours de la voiture. Personne ne connaissait l’Hypercar. Les voitures sont beaucoup moins sexy que ce qu’étaient les protos d’avant. Ça n’a rien à voir avec une LM P1 ou une LM P2, c’est beaucoup plus lourd. C’est beaucoup moins agile. En plus, on a roulé à Vallelunga. Ce n’est pas un circuit pour les protos. C’est un circuit arrêté. Je me suis dit que ça allait être compliqué. On est arrivé à Portimao en compétition. On a eu beaucoup de problèmes électriques, etc. ont galéré un peu. Mais au moins, on a terminé. Et petit à petit j’ai senti qu’il y avait du potentiel dans la voiture. Et à Monza on a eu à nouveau quelques problèmes. Mais quand au milieu de la course, j’étais en tête. Et qu’on allait tout aussi vite que l’Alpine. J’ai compris que ce truc-là pouvait marcher. Monza, c’était le circuit le mieux fait pour nous. Et au Mans, dans mes relais au petit matin, il y a eu quelques moments où ça marchait vraiment bien. On n’était pas capable de rivaliser avec les Toyota, mais pas très loin quand même. C’était assez surprenant. Le clou du spectacle, c’était de terminer avec ces 2 voitures. Tout le monde ne peut qu’ être surpris et impressionné. Et eux ne se rendent pas compte d’ailleurs de ça. Ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils ont fait. C’est ça qui est dingue. Comme ils n’ont aucune expérience du Mans. Je ne parle pas du support de Joest. Mais des gens de chez podium. Pour eux, c’est normal de terminer une course de 24heures. En ayant fait seulement une simulation un petit peu à l’arrache quand même. Et les 2 voitures ont terminé là comme si de rien n’était. Je leur ai dit à la fin de la course. Vous savez qu’il n’y a pas beaucoup de grands constructeurs qui ont réussi à le faire. L’avantage, c’est qu’ils ont une insouciance incroyable et ça rend les choses un peu dingues. »

 

On ne peut pas retenir seulement le fait que les deux voitures ont terminé la course. La performance était présente aussi. Et l’exploit du podium n’était pas si loin. La n°708 termine dans le même tour que l’Alpine et à 4 tours du vainqueur. Tout le monde garde en souvenir la bataille du petit matin. La n°709 termine, elle, à 7 tours. « Ça méritait le podium. C’est après Monza que l’on a compris que l’on avait quelque chose à faire. À Portimao, on avait d’énormes problèmes de freins. À Monza également. Rapidement, ils sont arrivés à comprendre ce qui n’allait pas. Ils se remettent beaucoup en question, même si c’est des Italiens. Après chaque lundi, je vais là-bas et je leur dis ce qu’il ne va pas. C’est des Italiens, tu as l’impression qu’il n’écoutent pas ! Mais ils écoutent. C’est plutôt positif. On n’aurait jamais imaginé être aussi bien au Mans. Il y a des choses qui sont perfectibles. On n’a jamais pensé, optimisé les temps de ravitaillement. Même si le support de Joest est aussi très important pour ça. Dans les stands, ils savent ce qu’ils font. Les arrêts ravitaillements sont bons. Il y a une bonne cohésion. On n’est est pas encore au niveau des meilleurs. Mais pour le peu d’entraînement que l’on a fait, on se débrouille pas mal. »

 

 

Il y avait une autre équation à résoudre lors de cette saison 2021, première de l’Hypercar. La balance de performance est un sujet délicat. Romain donne son avis et une partie de la réaction de Jim Glickenhaus suite à ses menaces de quitter le WEC. « La difficulté de la BOP, c’est que Toyota est allé bien plus loin que les objectifs de départ sur le papier. Notamment en qualification au Mans. Quand on a vu les temps, c’est vrai que c’était bluffant. La difficulté, c’est quand au début, on te donne un objectif de temps de 3 min 30. C’est sûr que tout le monde va aller plus vite. J’ai toujours appelé la BOP, le communisme du sport automobile. Si on veut niveler tout le monde, on fait plus du sport automobile. On n’a jamais vu des coureurs à pied, où à l’un, on enlève une moitié d’une chaussure. Et l’autre, on lui met un moteur dans les jambes. Maintenant qu’il faut jouer avec ça. Toyota et allé beaucoup plus vite que prévu et ce que la BOP définissait. Le problème, c’est quand tu construis une voiture et que l’on te dit que tu dois faire 3’30, et que finalement tu fais 3’23. L’investissement n’est pas le même. L’investissement en termes d’ingénierie en soufflerie. Ça n’a rien à voir. Sinon ça veut dire que les données en termes de puissance, l’aéro, puisque c’est données là sont figées, ce ne sont pas des données qui représentent un tour en 3 min 30. Mais plutôt un tour en 3’23. Je peux comprendre à ce moment-là la réaction de Jim. Parce que c’est ça l’histoire. C’est que Jim a financé une voiture qui roule en 3’30. Et finalement il fallait qu’il investisse pour une voiture en 3’23. Alors est-ce qu’il y serait arrivé ? Ça, je ne sais pas ! Mais la donne du début est faussée. La BOP, ça sera un peu les années Pescarolo avec Audi. La complexité de la BOP. C’est que même si on te donne 100 chevaux de plus, la voiture a été développée pour rouler en 3’30.Et que certaines pièces ne tiendront pas. Tu vas consommer tellement plus que tu vas t’arrêter plus souvent. Tu vas casser des cardans. Parce que c’est étudié pour rouler en 3’30, et non plus vite ! Et ainsi de suite. Et on revient à un éternel recommencement. Des années Pescarolo contre Audi. »

 

La suite de l’entrevue dans les jours à venir.

 

La partie 2 : Romain Dumas : 2022 avec Glickenhaus, 2023 avec Porsche ?

 

Crédit photo: Scuderia Glickenhaus (Hide Ishiura Professional Automotive Photography Studio-Zero) et Intensémans.fr

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