Les 25, 26 et 27 aout 2023 s’est déroulée la cinquième édition du Mornay Festival, sur le magnifique écrin creusois qu’est le circuit crée par Pierre Petit et sa femme Sylvie en 1997.
Le festival, qui ambitionne de devenir un « Goodwood à la française » respecte, à la lettre, l’esprit initial de sa référence britannique, mettant en avant une évocation des courses clubs en laissant une large place en piste aux amateurs et autres gentlemen drivers.
Pour le plus grand bonheur des spectateurs présents, les roulages alternent avec les démonstrations et hommages, le tout dans une convivialité devenue rare lors de ce type d’évènements.
Je vous propose un petit retour, en images, sur la manifestation. Comme toujours, n’hésitez pas à cliquer sur les photos pour les voir en grand format, puis à retourner en arrière pour revenir à l’article.
Un bel hommage à Roger Dorchy.
La présence en piste de la WM P88 #P88 était, évidement, un évènement pour les passionnés. C’est dans cette auto, que le regretté Roger Dorchy, qui nous a quitté récemment, est devenu, pour l’Histoire, l’homme le plus rapide dans les ligne droite des Hunaudières lors de l’édition 1988 des 24 Heures du Mans, chronométré à 407 km/h lors de la soirée du samedi.
Ce record sera ramené à 405 Km/h pour des raisons publicitaires, Peugeot, partenaire de l’écurie, sortant la berline du même nom cette année là.
Rebaptisée P489, la P88 retournera au Mans l’année suivante, pour ce que les observateurs de l’époque et les bénévoles impliqués dans l’écurie WM appelleront « la course de trop ».
Le châssis du record, la P88, brulera aux essais et subira des dommages importants, la P87 prendra le départ, mais sera également victime d’un début d’incendie vers Indianapolis, qui provoquera son abandon.
Le châssis tubulaire, renforcé avec des plaques de nid d’abeille, sera réparé et la P88, équipée d’un moteur « creux », restera exposée après la dissolution de l’écurie, chez son principal sponsor, Heuliez, durant presque vingt cinq ans.
Après la faillite de l’équipementier automobile en 2013, la P88 sera mise en vente. Jean-Michel Grison, un passionné de l’aventure WM, s’en porte acquéreur. Avec l’aide d’anciens membres de l’écurie de Thorigny et du préparateur BVO Sport, il réussi à ce que la P88 retrouve un moteur, et soit présente lors de la Grande Parade du Centenaire des 24 Heures du Mans au titre de voiture emblématique de l’épreuve mancelle, appellation qu’elle mérite largement.
Bien que touché par de graves problèmes de santé, Mr Grison était évidement présent à Mornay pour voir évoluer son bijou en piste.
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Pierre Petit, le créateur de l’école de pilotage et propriétaire du domaine de Mornay participa quatre fois aux 24 Heures du Mans pour le compte du Welter Racing. C’est lui qui pilotait la WM P88 en démonstration, rendant ainsi un bel hommage à Roger Dorchy.
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Le V6 PRV bi-turbo équipé de ses culasses spécifiques dans la baie moteur de la WM P88. Ce moteur est une version un peu plus sage que celui qui motorisait la WM en 1988 lors de son record, celui-ci développait alors plus de 900 cv pour pouvoir dépasser les 400 Km/h. Quel bonheur de voir en piste de nouveau cette beauté, à la ligne d’une fluidité incomparable due à Gérard Welter, grâce à la ténacité de Jean-Michel Grison et des anciens de Thorigny.
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Vincent Soulignac, l’ingénieur créateur des châssis WM puis WR, chapeautait le roulage de la P88. Il est ici est ici en train de travailler sur la cartographie moteur du PRV avec les autres membres de l’écurie. Dans la soirée, il évoquera l’aventure des P400 et rendra un bel hommage à Roger Dorchy.
Les au revoir à Jean-Pierre Jabouille par ses amis.
Depuis la fin de sa carrière sportive, lorsqu’il se retira du JB Racing, Jean-Pierre Jabouille, qui nous a quitté en février dernier, s’était retiré dans son havre creusois et apparaissait peu en public.
Il fera pourtant exceptions à plusieurs reprises, à l’occasion du Creusekistan Classic à partir de 2013, mais il sera également le parrain des premières éditions du Mornay Festival, à la demande de son ami Pierre Petit.
Avec le concours de Renault Classic qui avait amené plusieurs autos emblématiques de la carrière du pilote parisien, un bel hommage lui a été rendu, tant sur la piste avec des démonstrations assurées, entre autre, par Alain Serpaggi et Pierre Petit, mais aussi en dehors, lorsque les deux précités, s’associeront à Jean-Pierre Jarrier et Jürgen Barth pour rendre honneur au « Grand » et évoquer sa gentillesse légendaire.
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L’inoxydable Alain Serpaggi au volant de la Renault Alpine A443 #A443-0 avec laquelle Jean-Pierre Jabouille et Patrick Depailler assurèrent le rôle de lièvre pour épuiser les Porsche officielles lors de l’édition 1978 des 24 Heures du Mans. Rôle qu’ils prirent très au sérieux puisqu’ils menèrent la course douze heures durant avant d’abandonner sur casse moteur durant la mâtinée. L’occasion également pour Alain Serpaggi de rappeler qu’il fit partie des débuts de l’aventure Renault Alpine en Endurance puisqu’il fut Champion d’Europe des Voitures de Sport en 1974 sur une A441 2l.
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Fin 1969, Matra, qui vient d’être Champion du Monde de F1 avec la MS 80 et Jackie Stewart signe un accord de production avec Simca-Chrysler qui rend, de fait, caduc le partenariat avec Elf, la marque de Poissy étant traditionnellement associée à Shell.
Elf Aquitaine vient d’un coup de perdre une grande partie de la visibilité qu’elle avait acquise au plus haut niveau du sport automobile.
Qu’à cela ne tienne, l’emblématique responsable de la compétition du consortium pétrolier, François Guiter, a une idée en tête. A partir de 1972, il va tenter de convaincre Renault de courir en F1. Mais à Billancourt, le projet du moment est de retourner à l’Endurance et particulièrement, de remporter, à plus ou moins long terme, les 24 Heures du Mans.
Guiter va savoir se montrer persuasif et proposer qu’ELF finance une grande partie du programme.
François Castaing est, à cette période, en train d’étudier la conception d’un V6 de 2l, destiné à courir en Sport et en Formule 2. Ce moteur, le CH1 (en hommage à Claude Haart, disparu peu de temps avant que le V6 ne donne de voix au banc en novembre 72) sera le précurseur du moteur F1, mais Renault a posé la condition de mettre en avant une technologie novatrice, peu encore utilisée en compétition en Europe à l’époque, le turbo-compresseur.
Bien qu’inventé par Louis Renault et breveté en décembre 1902, le turbo sert alors surtout lors des courses USAC ou en CanAm aux Etats-Unis, discipline dans laquelle Porsche vient de forger une solide expérience avec les 917/10 et 30.
C’est Bernard Dudot qui sera chargé de développer la version turbo du V6 dont la cylindrée est ramenée à 1,5l réglementairement.
D’abord testé dans un châssis A441, le développement du nouveau V6, baptisé EF nécessite la construction d’une voiture laboratoire. La tâche va être confiée à Alpine, André de Cortanze se chargeant de la partie châssis et Marcel Hubert de l’aérodynamique. Ainsi va naître l’A500, que l’on voit ici au second plan, la « mule » qui permettra de faire rouler le V6 EF dans des conditions proches de la F1 à partir du printemps 1975. Jean-Pierre Jabouille effectue la majeure partie des tests et s’occupe également d’adapter l’A500 à l’utilisation de pneus Michelin à carcasse radiale, une autre première sur une F1. Renault finira par intégrer le service course d’Alpine et la division moteurs, toujours appelée Gordini, dans une même entité, Renault Sport. La régie officialise son arrivée en F1 dans le courant de l’été 76 et le développement continue avec l’A500, repeinte en jaune. La véritable F1 Renault, la RS-01, due elle aussi à De Cortanze et Hubert est construite au tout début de l’année 77. Elle débute en course, aux mains de Jean-Pierre Jabouille, le 16 juillet 1977 lors du GP d’Angleterre. Sa mise au point va être laborieuse et le truculent Ken Tyrrell la surnommera « Yellow Tea Pot », en référence aux panaches de fumée blanche qu’elle émet à chaque casse de turbo. Ce surnom lui restera. Jabouille verra enfin l’arrivée, au dixième rang, lors du GP de Monaco 1978 et signera même une quatrième place aux Etats Unis.
La RS-01 présentée ici est le châssis 04, utilisé lors du début de la saison 1979. Il ne semble avoir été utilisé en course que lors du GP d’Argentine, lors duquel « Le Grand » abandonna sur casse moteur.
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La consécration va arriver pour Jean-Pierre Jabouille à la mi-saison 1979. La RS10, dont le châssis été cette fois conçu par Michel Tetu et qui est motorisé par une nouvelle version du V6 EF1 équipée de deux turbos KKK réduisant sensiblement le temps de réponse, est apparue à Jarama et se montre beaucoup plus performante que la RS-01. Le 1er juillet 1979, Jean-Pierre s’impose lors du GP de France disputé sur le circuit de Dijon et et inaugure l’ère des F1 à moteur turbo.
La RS10 victorieuse était présentée avec une très belle R8 de la Coupe Gordini, évoquant les débuts en sport automobile du pilote parisien, époque à laquelle son mécanicien de course était un certain Jacques Laffite.
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Lorsque Daniel Champion, vingt ans mécanicien en Grand Prix, dix ans chez Renault, puis dix autres chez Larrousse, parle de la RS10 avec Alain Serpaggi et évoque les débuts de Renault en F1, notamment les spécificités de la coque de la RS-01, on se tait, on tend l’oreille, et on apprend…
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Une vue de l’ultime évolution du V6 Renault en version Endurance, le CHS 2, porté à 2,1l et développé spécifiquement pour l’A443. C’était la réponse de Renault à Porsche qui avait, de son côté, développé une nouvelle version du flat 6 2,1l de la 936.
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Jean-Pierre Jarier a été le coéquipier de Jean-Pierre Jabouille dans l’équipe Renault Alpine en 1978, et les deux pilotes se connaissaient bien, leurs trajectoires s’étant souvent croisées dans les formules de promotions et à une époque où les pilotes français était nombreux en Grand Prix.
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Jürgen Barth, vainqueur des 24 Heures du Mans 1977, a évoqué sa propre carrière mais il a également rendu un hommage émouvant, accompagné par Jean-Pierre Jarier, Alain Serpaggi et Pierre Petit, à Jean Pierre Jabouille.
Les autres Belles de Renault Classic.
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Cette très belle Alpine A 310 Groupe IV a abandonné sur casse moteur lors du rallye du Bandama 1976 pilotée par Jean Ragnotti assisté de Jacques Jaubert dans la baquet de droite.
Si Alpine n’avait pas trop joué avec les plaques minéralogiques cette année là, elle doit également avoir terminé troisième du Tour de Corse aux mains de Jean-Pierre Manzagol et Jean-Francois Filippi.
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La Renault 21 4×4 Super Tourisme 1989, dernière représentante de la marque au losange dans ce type de compétitions.
Après avoir été sacré champion en Super Production en 1988, Renault va louper son début de saison l’année suivante, la R21 devant être repensée suite à un nouveau règlement beaucoup plus restrictif.
Jean Ragnotti terminera pourtant second du Championnat Super Tourisme 1989 derrière Jean-Pierre Malcher et sa BMW M3.
Le pilote Renault signera cette saison là onze poles positions sur les quatorze épreuves courues.
Le plateau monoplace.
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Il semble que cette superbe Formule France Martini MK 6, la #010, chauffe un peu en fin de session. Il était temps que ça s’arrête…
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La très belle Martini MK 11 de Jean-François Lepine.
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Présent l’année dernière avec la X12-01, David Rocher avait, cette année, amené la BBM X14-01 à Mornay. Cette Formule Renault Europe de 1976 est un de mes coups de cœur esthétique depuis longtemps.
Les avant-guerres.
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La Bugatti Type 37 Grand Prix #3712 de 1926 dont je suis littéralement tombé amoureux l’année dernière, lors de cette manifestation. Un des bijoux du Bugatti Club France.
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Déjà vue en début d’année à Magny Cours lors des Classic Days, cette superbe Talbot Lago T110 recarrossée façon T150C dont le propriétaire est très sympathique.
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Très belle également, cette Bugatti 37A Grand Prix de 1931 que je n’ai pas encore réussi à identifier.
Le Cobra Club de France.
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Une très belle évocation de CSX2260 lors de sa participation à la Targa Florio 1964 pilotée par Masten Gregory et Innes Ireland.
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Jolie également, cette Ford GT40 GTD sortant de restauration dont le propriétaire normand, bien que peu loquace, était fort sympathique.
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Bernard et Martine Peruch étaient évidement présents avec leur Cobra 289 Street Version de 1965 dont même la boulonnerie est d’origine selon celui qui m’a fait aimer les créations de Carroll Shelby à la fin des années 80.
Les roulages.
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Une belle surprise avec la présence de cette Renault 5 Turbo Europa Cup ex-Ragnotti lors des roulages clubs.
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Cette BMW M3 E30, récemment convertie aux spécifications Prodrive était extrêmement performante, mais peut, selon un de ses pilotes, encore progresser en termes de performance moteur. J’ai hâte de voir ça depuis le bord de piste.
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J’ai été littéralement bluffé par cette Ford Escort Mexico…qui n’en est absolument pas une.
Elle est, en fait, construite sur un châssis tubulaire renforcé de plaques d’aluminium, motorisée par moteur de moto, équipée d’une fine carrosserie en polyester, c’est une véritable « Silhouette » que sa jeune pilote a très bien en main.
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De très belles GT et Supercars étaient également de la partie, à l’image de cette McLaren 570S.
Le plateau moto.
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L’ancien pilote moto Eric Saul avait réuni un plateau exceptionnel pour ce cinquième festival de Mornay, à l’image de cette Bimota YB3, pilotée par Michel Rougerie lors du Grand Prix des Nations 1978, couru au Mugello, qu’il terminera au quatrième rang.
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Une pure beauté également, cette MV Agusta 500 trois cylindres.
Mais aussi…
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Pour finir, si votre côté Roger Moore vous pousse depuis toujours à rêver d’une balade en 2CV avec Carole Bouquet, il y avait moyen de cocher au moins une des cases lors d’une promenade en tout chemin.
Crédit photos : Vincent Laplaud.