Les femmes et les 24 Heures du Mans : Mais où sont les femmes ?

5/5 - (1 vote)

Ce mardi 08 Mars est la journée internationale de la femme. C’est peut-être l’occasion de faire un petit aparté en écrivant un peu d’histoire et pourquoi pas de parler aujourd’hui des femmes dans le sport automobile et les 24 Heures du Mans ! Notre clin d’œil en faveur de toutes ces femmes qui se font une place dans ce sport majoritairement masculin.

 

Si j’écris ces lignes qui vont suivre, c’est pour leur rendre hommage, les soutenir et surtout les encourager à poursuivre leurs efforts et à montrer que malgré qu’elles soient dans un monde réputé masculin, elles peuvent se faire leur propre place dans le monde du sport automobile.

Dans le monde automobile, nous trouvons des voitures, des gros moteurs et beaucoup d’hommes. Mais où sont les femmes dans tout ça ?

 

C’est malheureusement un sport qui est encore pleins de stéréotypes, de préjugés et pourquoi pas même légèrement misogyne et sexiste.

Heureusement aujourd’hui, la gent féminine se fait doucement une place parmi toute cette masculinité. Derrière leur volant et sous leur casque, elles sont présentes sur les pistes, elles foncent et se démarquent et surtout elles se moquent des qu’en dira-t-on.

 

Christine Becker, pilote automobile belge témoignait :

« Quand on me demande si ça m’a aidé d’être une femme, je dis clairement oui. À mes débuts en tout cas. Par la suite, il a fallu que je montre que j’étais à la hauteur, quand j’ai conduit des voitures plus puissantes et que je me suis frottée à une concurrence masculine de haut niveau. » « Il arrive toujours un moment où il ne suffit plus d’être une femme et faire un joli sourire », a-t-elle conclu.

 

Comme a pu le dire Angelina Favario, jeune pilote française, ambitieuse et déterminée, de 18ans qui coure aujourd’hui en F4 et rêve de courir en F1 : « quand une femme arrive dans le milieu, les hommes se renferment. Ils me regardaient et parlaient entre eux. Mais bon, je n’étais pas là pour me faire des amis, plutôt me concentrer sur mes objectifs. » « Il faut faire énormément de sport, redoubler d’efforts car nous n’avons pas la même musculature que les hommes. » « C’est grâce à tous ces efforts et le soutien que l’on m’apporte que je me dis que je peux écrire l’histoire. Le sexisme est, dans un sens, ce qui me forge et fait que j’en suis là aujourd’hui. » Femme fière et déterminée, qui malgré les difficultés, se bat pour réussir ses objectifs et surtout qui fait son petit bonhomme (sa petite bonne-femme, disons plutôt au féminin) de chemin vers ses rêves sans écouter les autres.

Quelques chiffres :

  • Depuis 1923, date de la 1ère édition des 24h du Mans, sur 4298 équipages qui ont pris le départ, seuls 23 étaient 100% féminins. Pour ce qui en est du meilleur classement 100% féminins, il s’agit de la 7ème place au général en 1930.
  • 64 femmes pilotes (d’après Wikipédia) se sont engagées sur au moins une édition des 24h du Mans et parmi elles, 45 ont fini au moins une édition. C’est 64 femmes représentent 134 départs pour 69 arrivées.
  • A ce jour, le meilleur classement au général obtenu par une femme pilote est la 4ème place d’Odette Siko en 1932.
  • En 1935, 10 femmes prennent le départ et 7 terminent – un record jamais égalé depuis.
  • 10 femmes ont terminé première d’une catégorie, dont une à deux reprises en la personne de Marie-Claude Charmasson.
  • Le nombre record de participations revient à Annie-Charlotte Verney avec 10 participations à son compteur.
  • 1970, après les différentes guerres, il aura fallu attendre cette année-là pour revoir une femme passer la ligne de départ.
  • En 2019, un équipage 100% féminins a franchi la ligne d’arrivée et terminé à la 39ème place au général (ceci n’était pas arrivée depuis 1977).
  • Depuis 2020, nous retrouvons 2 équipages 100% féminins.

Depuis quelques années, les choses bougent, peut-on y voir un signe d’évolution pour les femmes ?

 

L’ACO (Automobile Club de l’Ouest) qui est l’organisateur de la plus grande course d’endurance du monde avec nos mythiques 24h du Mans, mettaient en 2015 les femmes à l’honneur en leur dédiant un pavillon bien à elle. Le seul hic c’est que cette même année, parmi les 158 pilotes, tous étaient des hommes, aucune femme cette année-là a pris le départ du double tour d’horloge…

Certes, depuis 2019, on a pu remarquer qu’au moins un équipage est 100% féminins, ils ont rattrapé le coup (si je peux me permettre) !!

 

Christine Becker a souligné : « Les femmes qui font de la course, on n’en parle pas assez et donc celles qui auraient envie d’en faire se disent que ce n’est pas possible. Moi je l’ai fait parce que j’ai vu ce Grand Prix (Formule 1 Spa-Francorchamps), j’ai vu une femme qui courait ».

Madie Pescarolo, elle, a ajouté : « les femmes pilotes sont souvent vues avant tout comme des opérations de communications. »

Tout cela pour dire que cela nuit et n’encourage pas forcément les jeunes filles à se lancer dans ce sport qui ne demande que mixité et développement féminin pour encore plus d’égalité et de concurrence !

 

Après, il est vrai que nous parlons des femmes pilotes mais il y a aussi les femmes qui travaillent dans « l’ombre » des courses automobiles : les journalistes, les médecins, les commissaires, les mécaniciennes, les ingénieures voiture, les responsables de la stratégie, et certainement d’autres que j’oublie de citer. Toutes ces femmes se font petit à petit leur place, pas sans embuches, mais se battent pour s’affirmer au milieu d’hommes.

 

En 2020, ainsi que l’année dernière, en 2021, nous retrouvions 6 femmes au départ de la 88ème édition des 24h du Mans. Ce qui n’était pas arrivée depuis 1935 (5 cette année-là). Michèle Mouton, la présidente de la commission femme et première femme pilote automobile a évoqué l’évolution de la gent féminine : « C’est la première fois depuis longtemps que l’on retrouve autant de femmes et surtout un équipage 100 % féminin en catégorie LM P2. Cela montre que les femmes ont progressé, qu’elles sont en mesure d’obtenir la confiance des écuries en se voyant confier un volant dans un univers très masculin. »

Elle a aussi rappelé que « Jusqu’à preuve du contraire dans une voiture, il n’y a pas besoin de biceps ou de force physique particulière. Aujourd’hui, les femmes suivent les mêmes entraînements que les garçons et une fois le casque sur la tête, il n’y a aucune différence. Pour moi, à présent, les femmes n’ont plus d’excuse. »

En 2021, nous retrouvions les Iron Dames « Dames de fer » avec derrière le volant : les suissesses Sarah Bouvy, Rafael Fray et la Danoise Michelle Gatant. Ainsi que le Richard Mille Racing Team avec la Colombienne Tatiana Calderon, l’allemande Sophia Floersch et la néerlandaise Beitske Visser.

En 2009, la FIA a créé la Commission « Femmes dans le Sport Automobile », présidée par Michèle Mouton. Elle a pour objectif principaux :

  • Démontrer que les femmes sont bien reconnues par la plus haute instance chargée du sport automobile.
  • Montrer que le sport automobile est ouvert aux femmes à tous les niveaux, que ce soit comme concurrentes, comme officielles, comme responsables d’écuries, comme ingénieures, comme mécaniciennes, etc.
  • Promouvoir la place des femmes dans le sport automobile au travers de la presse, des manifestations internationales, des partenaires et des parties prenantes.
  • Développer des programmes sociaux et éducatifs pour favoriser une plus grande participation des femmes dans le sport automobile.
  • Sensibiliser les jeunes femmes (les pilotes, les officielles, les professionnelles, les clientes) aux problématiques de sécurité routière.

En 2018, la FIA a lancé le programme « Girls on Track », un programme de détection et de formation des talents auprès de jeunes femmes âgées de 8 à 18 ans à travers des épreuves de slalom en karting.

 

Malgré les efforts de la fédération internationale automobile avec la création de différentes commissions notamment « Women in motorsport » ou encore la mise en place d’événements comme « Girls on track », le constat reste identique : il y a toujours très peu de femmes sur les pistes.

 

Un documentaire a vu le jour le 24 décembre dernier. Incarnée par Margot Laffite, pilote et journaliste automobile pour Canal + Sport. Elle a vu son documentaire « Une pilote » diffusé sur sa chaîne. Dans celui-ci, elle « fait l’état des lieux de la place des femmes dans le sport automobile et espère susciter un nouvel élan pour la jeune génération. Il y a encore un vrai manque de crédibilité, de croyances en la capacité de la femme à pratiquer ce sport. On remet en doute leurs performances ». Il aborde le parcours de l’équipage 100% féminin du Racing Richard Milles, de la préparation physique et psychologique jusqu’à la grille de départ des 24h du Mans.

Pour ceux qui seraient intéressé, vous pouvez retrouver ce documentaire sur « mycanal ».

Beaucoup de pilotes féminines se voient d’abord pilote avant d’être une femme.

Depuis quelques années, de nombreuses initiatives voient le jour mais le problème de fond demeure : le sport automobile ne semble pas réellement prêt à laisser une place égale aux femmes. Historiquement à forte dominance masculine, le monde du sport automobile tente de faire timidement sa mue vers plus d’équité entre les sexes. Le combat pour une féminisation avance donc à petits pas, mais il avance. L’avenir est prometteur !!

 

Une question demeure : Pouvons-nous, un jour, espérer voir un équipage mixte (homme et femme) derrière le volant d’une même voiture ? Ou bien doivent-elle faire bande à part et créer leur propre championnat ? La première option serait néanmoins privilégiée afin de montrer que hommes et femmes peuvent se réunir et partager leur même passion de la vitesse, de la conduite sur une piste. Montrer qu’ils peuvent concourir ensemble, qu’il n’y a pas de différences entre l’un ou l’autre derrière un volant.

Cette 10ème saison du WEC répond parfaitement à la question avec l’arrivée d’un équipage mixte au sein du Team Richard Mille qui sera piloté par Sébastien Ogier, Charles Millesi et Lilou Wadoux (https://www.intensemans.fr/2022/01/31/sebastien-ogier-prepare-sa-premiere-saison-en-wec/ )

Michelle Gatting nous donne le mot de la fin :

« Pour moi, la course des 24 Heures du Mans a toujours été un rêve, un rêve qui est devenu un but, un but qui en 2019 est devenu une réalité », écrit la pilote en Danois sur son compte Facebook. « Certains comparent Le Mans avec le Superbowl, la NFL, et les jeux olympiques. C’est la plus grande course et la plus exigeante du monde. C’est pour ça que j’ai choisi de faire un tatouage très personnel, la veille de mon départ pour Le Mans. Pour moi, le Mans sera la plus grande chose que j’ai jamais vécue dans ma carrière, et c’est pour ça que j’ai choisi ce tatouage. Parce que pour moi, il est important de ne jamais oublier une telle étape qui s’est produite en 2019. Quel que soit notre résultat, il est important de s’arrêter et de profiter de cette énorme expérience que je vais vivre avec mes deux copilotes et Kessel racing. C’est quelque chose que je vais fièrement montrer car Le Mans est une chose pour laquelle je me suis battue toute ma carrière ! »

 

Crédit photo : intensemans.fr

Translate »